Conflit brutal à Tambura, au Soudan du Sud : MSF est sur le terrain pour dispenser des soins de santé essentiels et des soins psychologiques d’urgence
Depuis le début 2021, la ville de Tambura – dans l’État de l’Équatoria-Occidental, au sud-ouest du Soudan du Sud – est le théâtre de graves violences interethniques. Lorsque Médecins Sans Frontières a démarré son aide d’urgence en décembre dernier, nous avons immédiatement pris conscience de l’état de dévastation de la ville. La population avait été littéralement décimée : de très nombreux membres de la communauté avaient été sauvagement assassinés et 80 000 habitants avaient fui la ville.
Le seul hôpital de Tambura dévasté par des pillages
En outre, le seul hôpital de la ville avait été totalement pillé, laissant de très nombreux habitants de Tambura sans accès aux soins de santé. Les blessés et les malades ne pouvaient plus être pris en charge aux urgences ou être soignés par un médecin, les femmes enceintes n’avaient plus de maternité pour accoucher dans de bonnes conditions de sécurité et les enfants ne pouvaient plus être vaccinés contre de nombreuses maladies mortelles.
Premier objectif : dispenser des soins de santé essentiels et rétablir l’accès aux soins
Lorsque Médecins Sans Frontières est arrivée à Tambura, en décembre 2021, nos équipes ont directement axé leur travail sur l’offre de soins de santé essentiels, en donnant la priorité à la santé maternelle et à la vaccination des enfants. Nous avons progressivement orienté une partie de nos activités sur la réhabilitation des soins de santé : chaque semaine, un avion-cargo de MSF acheminait ainsi du matériel médical humanitaire dans la ville. Nous avons aussi assuré l’approvisionnement en eau potable dans la ville et reconstruit l’hôpital de Tambura.
Conflit à Tambura : place à présent aux soins de santé mentale
Notre réponse humanitaire ayant permis de remédier progressivement aux besoins les plus urgents, nous pouvons à présent commencer à nous concentrer sur les soins de santé mentale. C’est là un volet essentiel de nos activités médicales à travers le monde et urgent lui aussi, surtout dans les contextes de conflit.
Atrocités, angoisse et incertitudes sont les principaux facteurs de stress
Beaucoup d’habitants qui vivent aujourd’hui dans les camps de déplacés sont toujours sans nouvelle de leurs proches. D’autres ont appris que des membres de leur famille avaient été massacrés, mais l’insécurité est telle qu’ils n’osent pas aller chercher les dépouilles. Cette vie faite d’incertitudes et d’angoisse, auxquelles s’ajoutent les atrocités dont la plupart des gens ont été les témoins directs sont autant de facteurs qui continuent d’avoir un terrible impact sur la santé mentale des déplacés vivant à Tambura et dans la région. Sans exutoire approprié pour évacuer ce stress ni d’espace pour apprendre à surmonter ces expériences traumatiques, ces personnes risquent de voir leurs symptômes s’intensifier, s’aggraver et, dans certains cas, entraîner des douleurs physiques.
« La plupart des symptômes que nous observons sont liés au stress, au chagrin et au deuil. Cependant, ils peuvent aussi être générés par les inquiétudes face à l’avenir et le retour chez soi. Certains n’ont plus rien, car leur maison a été pillée et incendiée », explique Ariadna Alexandra Pérez Gudiño, coordinatrice des soins de santé mentale pour MSF. « Si elles n’ont pas les moyens de mettre des mots sur ce qu’elles ont vécu, ces personnes peuvent développer des troubles physiques. C’est comme si une plaie béante était laissée sans soins. »
Nos soins psychologiques d’urgence : séances individuelles, réorientation vers une aide plus spécifique et séances de groupe
Nos équipes de psychologues ont commencé à travailler avec les déplacés vivant dans les camps et aux alentours. Dans le cadre de ces soins de santé mentale, elles proposent des séances individuelles, réorientent les patients qui ont besoin d’un soutien plus spécifique ou de médicaments et organisent des séances psychosociales de groupe.
« J’ai perdu mon mari, mon fils, mon frère et mon neveu dans ce conflit. Cette nouvelle a été pour moi un choc terrible. J’ai cru perdre la tête… je ne savais littéralement plus qui j’étais », explique une de nos patientes, Severna Joseph. « J’ai participé à une série de séances avec MSF, et après un moment, j’ai commencé à reprendre du poil de la bête. Bien sûr, j’ai encore énormément de mal et tout est loin d’être parfait, mais au moins, je commence à comprendre ce qui m’est arrivé. C’est la première étape : Maintenant, je peux commencer à me reconstruire. »