Ce qui m’importe le plus
Ce qui m’importe le plus, c’est d’être au service de la communauté, qu’importe finalement que ce soit dans mon pays ou à l’étranger.
Negasi Seyoum a commencé à travailler pour MSF en 1991, après avoir acquis de l'expérience auprès du ministère éthiopien de la santé, en travaillant dans le nord du pays comme responsable du centre de santé d'Abi-Addi, infirmier à l'hôpital de Woldia et infirmier au bloc opératoire et aux urgences de l’hôpital d’Asmara. Son rêve était de devenir médecin mais l’instabilité dans son pays (déchiré par une guerre civile et une guerre d’indépendance avec l’Érythrée) ne lui a pas permis d’étudier la médecine. Il a donc choisi de devenir infirmier, ce qui lui a permis d’aider les Éthiopiens les plus vulnérables.
Votre carrière chez MSF a évolué. Vous étiez infirmier et vous êtes devenu coordinateur financier et des RH. Expliquez-nos comment cela s’est passé.
Si vous faites votre travail correctement et que vous avez fait vôtres les valeurs de MSF, vous pouvez bénéficier d’un soutien au développement de carrière. Le coordinateur de projet de MSF Belgique à Jijiga savait que j’avais acquis de l’expérience dans le domaine administratif et financier en travaillant pour le ministère éthiopien de la Santé. Il me faisait confiance et sentait que je pouvais évoluer au sein de MSF. Il m'a donc proposé de travailler comme coordinateur administratif et financier terrain au sein de ce projet. Je suis ensuite devenu assistant RH et, au fil des ans, j’ai été appelé à jouer un rôle plus important dans le domaine de la coordination. Après avoir travaillé 20 ans en Éthiopie comme membre du personnel national, j’ai relevé le défi et suis devenu « expat », plus précisément chef de projet RH/Fin en Afghanistan.
Comment avez-vous vécu le fait de travailler en-dehors de votre pays ?
Ce qui m’importe le plus, c’est d’être au service de la communauté, qu’importe finalement que ce soit dans mon pays ou à l’étranger. C'est une bonne occasion de découvrir d’autres contextes et d’autres défis et, dans mon cas, cela m’a appris à m’adapter à la culture afghane. J’ai passé deux ans dans ce pays. Être séparé de ma famille n’a bien sûr pas été facile, mais j’ai eu de la chance. Ma famille m'a beaucoup soutenu parce qu'elle comprenait que cela m’intéressait énormément de travailler avec une organisation humanitaire. Elle savait que je voulais être au service des gens et les aider. Quand j'étais en Afghanistan, j'ai réussi à les voir tous les trois mois. Remercions Dieu pour les nouvelles technologies qui nous permettent de garder aisément le contact !
Ce qui m’importe le plus, c’est d’être au service de la communauté, qu’importe finalement que ce soit dans mon pays ou à l’étranger.
Vous êtes actuellement coordinateur financier/RH en Ukraine. Pouvez-vous décrire une journée type ?
Ce travail est vraiment bien différent du travail d’infirmier. Lorsque vous exercez une fonction médicale, votre journée dépend des patients. Vous devez intervenir immédiatement et la gratification est donc instantanée. Ce n’est pas le cas pour un poste non-médical. Il n’y a pas de satisfaction immédiate car coopérer avec les collègues est un défi en soi. Lorsque vous mettez en œuvre les règles et les stratégies de l'organisation, il est parfois difficile de satisfaire tout le monde. Ma satisfaction, je la trouve lorsque je parviens à traiter tout le monde de la même façon, tout en respectant les règles de MSF. Je suis responsable de la stratégie RH de la mission, de la gestion des RH, du suivi du budget et des prévisions et je veille au bon déroulement des activités quotidiennes de mon département.
Quelles sont les compétences indispensables à un « bon » gestionnaire financier et des ressources humaines ?
Il vous faut de bonnes compétences de leadership, une réelle capacité d’écoute, un bon esprit d'équipe et des compétences en gestion des ressources humaines. Il est important de comprendre les besoins de votre équipe, il faut être capable de donner des instructions, de déléguer, de former, d'encadrer, de soutenir, d'organiser et de planifier. Voilà pour l’expertise. Mais vous devez aussi vous approprier la charte et les valeurs de MSF et les respecter. L'honnêteté, l'ouverture et l'intérêt humanitaire sont indispensables. Votre plus grande récompense devrait être de sauver des vies et non l’argent.
Selon moi, l'honnêteté, l'ouverture et l'intérêt humanitaire sont indispensables pour travailler chez MSF. Votre plus grande récompense devrait être de sauver des vies et non l’argent.
Pouvez-vous nous parler d'une de vos missions dont vous êtes particulièrement fier ?
En 1992, j'ai travaillé dans la région Somali, dans le camp de déplacés de Hergel, à l’est de l’Ethiopie. MSF a été l’un des premiers acteurs humanitaires à mettre en place un programme nutritionnel dans ce camp et à mener une campagne de vaccination à grande échelle, tout en respectant de strictes procédures d’hygiène. Nous sommes parvenus à sauver beaucoup d’enfants et j’ai ressenti une immense fierté de faire partie de MSF, d’être associé à la réalisation d’un objectif ambitieux et à une organisation possédant une formidable expertise en son sein.
Vous travaillez pour MSF depuis plus de 27 ans. Comment l'organisation a-t-elle évolué ?
MSF est vraiment devenue une énorme organisation. Nous pouvons à présent nous appuyer sur des ressources et une structure appropriée. Lorsque j'ai rejoint l'équipe, le système de gestion et de suivi des achats locaux de matériel et de fournitures était loin d’être parfait. Depuis, les processus administratifs, de suivi et de contrôle se sont nettement améliorés.
Nous sommes également en mesure de répondre beaucoup mieux aux situations d'urgence et l'esprit de volontariat est resté très présent au sein du personnel. Les médias sociaux ont quand même eu un peu d’impact sur l'esprit d'équipe et l'ambiance après les heures de travail : de nos jours, les collègues se connectent à Facebook ou à Skype après les heures de travail pour parler à leurs amis ou à leur famille au lieu de se détendre et passer du temps ensemble. Mais c’est tout à fait compréhensible : la famille, c’est quelque chose d’important !
Enfin, je pense que nous devrions trouver un moyen de faire en sorte que nos collègues restent plus longtemps au sein de MSF, en leur offrant un bon soutien managérial ou des avantages plus intéressants.
Que diriez-vous à quelqu'un qui songe à rejoindre MSF ?
Je leur dirais la même chose que je dis à mes enfants (rires). Vous pouvez travailler pour MSF, si cela vous intéresse vraiment d’aider les personnes et les populations les plus vulnérables, si vous vous y engagez vraiment et que vous êtes animés d’un esprit de bénévolat. Vous devrez travailler dur et acquérir les bonnes compétences. MSF est aussi un tremplin vers une autre carrière. J’ai rencontré à l’aéroport un très ancien collègue avec qui j’avais travaillé en 1991. Après MSF, il avait rejoint une organisation des Nations Unies. Il a été surpris d'apprendre que je travaillais toujours pour MSF. Je lui ai expliqué que ce n’était pas pour l’argent mais pour ma satisfaction personnelle et professionnelle. Je n’ai jamais cherché à travailler ailleurs. J’ai fait le choix de travailler chez MSF jusqu’à la fin de ma vie professionnelle.