« J’ai peur de nouer des relations avec les patients. Voir un lit vide, ça me brise le cœur »
Gautam Harigovind est le coordinateur médical de notre immense clinique dédiée au COVID-19 à Mumbai. Comme vous pouvez le lire ici, nous avons installé dans la ville deux sets de tentes comportant chacune 1000 lits de soins intensifs, afin de faire face à l'énorme afflux de patients. Gautam parle de la situation actuelle à Mumbai et de la façon dont elle l’a changé en tant que médecin.
« Voici deux semaines que notre projet d'urgence a débuté. La semaine dernière, nous y avons admis 200 à 250 nouveaux patients par jour. La situation ici à Mumbai reste très grave, mais nous avons eu une meilleure semaine en tant qu'équipe. Les progrès de nos patients ont été meilleurs que prévu.
Lorsque j'ai commencé à travailler au centre COVID-19 de Mumbai en septembre 2020, c'était le chaos, avec des vagues et des vagues de personnes dans un état inquiétant qui arrivaient chaque jour. Après cela, la prise en charge des patients s'est un peu calmée, aussi parce que nous avons appris à nous organiser. Mais aujourd'hui, tout le monde est de nouveau sur le pont.
Le personnel est épuisé au bout de trois jours de dur labeur
Notre plus grand défi à l'heure actuelle est la rotation du personnel. Nos employés ne peuvent tout simplement pas travailler longtemps dans cet environnement. L’épuisement vient très vite, ici. Les cycles d'épuisement professionnel de notre personnel sont de plus en plus courts. En ce moment, la plupart d'entre eux sont épuisés après trois jours de travail. Cela est dû aux circonstances, au grand nombre de patients et au manque de formation adéquate. Dans notre tente, il y a 28 départements : chaque département doit avoir deux infirmières par équipe et il y a quatre équipes disponiles. Faites le calcul. Il est actuellement très difficile de trouver le nombre nécessaire d'infirmières.
Nous nous investissons donc beaucoup dans le recrutement et la formation de notre personnel. Parce que nos équipes doivent souvent aider de très jeunes infirmières du ministère de la santé. Étant donné le manque d'expérience qu'elles ont – du fait qu’elles sont propulsées aux devants de cette crise alors qu’elles sont fraîchement diplômées – nous les coachons et les accompagnons au chevet du patient. Notre équipe est pleine de personnalités très fortes. C'est également ce que je recherche lorsque je les engage, un personnel solide, tant sur le plan clinique que personnel.
Arriver au travail et voir des lits vides
Le COVID-19 a changé ma vie en tant que personne et en tant que médecin. Les gens meurent, mais je m'y suis habitué. Nous l'avons accepté. J'avais l'habitude d'être très orienté vers les patients. Maintenant, j'ai peur de construire des relations avec eux. Or, c’était ce que je faisais habituellement. Mais quand j’arrivais au travail et que je me voyais soudainement un lit vide, ça me brisait le cœur. Je remarque que je n'utilise plus leur nom et que je ne les appelle plus "mes patients". Je dis maintenant "les patients".
Désormais, nous encourageons également notre personnel à parler à leurs patients, dès le début, de la possibilité qu'ils ne s'en sortent pas. Cela peut sembler cruel, mais nous en avons vu les résultats positifs. Non seulement le patient semble mieux préparé, mais notre personnel peut mieux faire face à cette éventualité.
La vague semble s'être quelque peu calmée pour le moment, mais je pense que c'est le calme avant la tempête. Nous faisons des heures supplémentaires pour que tout soit prêt au cas où la situation s'aggraverait. Si ce n'est pas le cas, je serai extrêmement soulagé. Le COVID-19 est un contexte dans lequel j'aime avoir tort. »