RDC: MSF alerte sur les lourdes conséquences humanitaires du conflit armé au Nord et Sud-Kivu
Un conflit armé d'une rare intensité
Le conflit armé entre le M23/AFC, les FARDC, et leurs alliés respectifs, a repris avec une intensité accrue au Nord et Sud-Kivu.
Depuis décembre 2024, plusieurs fronts ont été ouverts à Lubero, Masisi au Nord-Kivu, avant de descendre vers le Sud-Kivu, à Minova et Numbi.
Les combats se rapprochent de Goma (Nord-Kivu), avec des affrontements intenses à Sake.
Les conséquences humanitaires sont très lourdes sur la population.
D’après les Nations Unies, près de 400.000 ont à nouveau fui les affrontements depuis début janvier. Des dizaines de milliers de déplacés ont pris la direction des camps autour de Goma où survivaient déjà plus de 650 000 personnes dans des conditions insalubres, sans abris convenables, manquant de tout : nourriture, eau, soins de santé…
Les camps ne sont pas épargnés. Des roquettes ont été tirées près des camps et des structures où les gens ont trouvé refuge.
C’est affolant, inacceptable. Nous constatons un taux inquiétant de civils parmi les blessés soignés, décrit E. Lampaert, représentant de MSF en RDC.
A Goma, MSF appuie l’hôpital de Kyeshero dans la prise en charge de blessés pour soulager le CICR_Afrique en première ligne. Dans le reste du Nord & du Sud-Kivu, nos équipes poursuivent la prise en charge de patients, dont 400 blessés à Minova, Numbi & Masisi en 3 semaines.
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Pour plus de détails, voici l'interview complète d'Emmanuel Lampaert, Représentant pays de MSF en RDC.
RDC : trois questions sur l'intensification du conflit armé au Nord et Sud-Kivu
Quelle est la situation actuelle au Nord et Sud-Kivu ?
Depuis décembre 2024, plusieurs fronts ont été ouverts dans les deux provinces pour le contrôle de certaines positions clés. Dans le territoire de Lubero, au Nord-Kivu, le conflit a repris dès décembre, avec des déplacements de population massifs. Cela s’est poursuivi dans le territoire de Masisi, où d’intenses combats ont eu lieu en janvier 2025, notamment pour le contrôle de la ville de Masisi Centre, avant de descendre vers le Sud-Kivu, à Minova et Numbi dans le territoire de Kalehe.
Au cours des hostilités, le M23/AFC est parvenu à prendre le contrôle de plusieurs villes et, depuis quelques jours, les combats se rapprochent de Goma, la capitale provinciale, avec des affrontements intenses à Sake, à une vingtaine de kilomètres à peine de la ville. Depuis Goma, on entend régulièrement les détonations d’artillerie. Les combats ont lieu sur tous les axes entourant Goma, et ont entraîné un nouvel afflux de déplacés vers la ville, y compris depuis certains camps en périphérie où les gens fuient vers Goma, vu la situation de panique.
Quel est l’impact de cette situation sur la population ?
Sans surprise, les conséquences humanitaires sont très lourdes sur la population. Des centaines de milliers de personnes ont à nouveau fui les affrontements. D’après les Nations Unies, elles seraient déjà 400 000 depuis janvier ; des dizaines de milliers d’entre elles se sont rendues dans les sites de déplacement autour de Goma, où vivaient déjà plus de 650 000 personnes, épuisées par près de trois années de combats. Ces sites sont totalement insalubres, comme nous en témoignons depuis trop longtemps : les familles y survivent sans abri convenable et manquent de tout : nourriture, eau, soins de santé...
Malheureusement, ces sites ne sont pas épargnés par les combats. Des roquettes sont tirées près de ces camps ou de structures de soins où les gens sont venus chercher un abri. C’est affolant et inacceptable. Nous constatons d’ailleurs un taux très inquiétant de civils parmi les centaines de blessés que nous aidons à prendre en charge. Certains sont victimes de balles perdues, mais d’autres sont victimes du non-respect de certaines règles élémentaires des conflits par les belligérants. A Masisi, l’hôpital que nous soutenons a essuyé des tirs alors que plus de 10 000 personnes y étaient réfugiées pour leur sécurité. Deux personnes ont été touchées juste devant l’hôpital, et deux de nos employés ont été blessés par un tir de roquette. La présence de combattants ou de postes d’artillerie à proximité directe de structures de soins et des camps de déplacés met directement en danger la vie des populations. Il est crucial que chacun se rappelle que même la guerre a des règles.
Quelle est la réponse actuelle de MSF sur place ?
Nous faisons le maximum pour maintenir nos activités régulières et d’urgence, mais dans certaines localités, nous avons dû limiter les risques encourus en réduisant nos équipes. Autour de Goma, par exemple, la violence armée directe qui affecte certains sites depuis ces deux derniers jours a réduit notre capacité à nous y rendre, même si nous continuons, dès que les conditions le permettent, d’approvisionner des structures médicales. Nous les préparons également à gérer les afflux de blessés et apportons du carburant pour faire tourner les pompes à eau. Cela permet à ces structures de continuer à fonctionner, même avec une présence plus limitée de nos équipes.
A Goma même, nous continuons d’appuyer l’hôpital de Kyeshero pour prendre en charge une partie des blessés et soulager le Comité International de la Croix-Rouge (CICR), qui est en première ligne dans leur prise en charge à l’hôpital de Ndosho. Il va sans dire que les hôpitaux de Goma sont totalement débordés par le nombre de blessés.
Dans le reste du Nord-Kivu et du Sud-Kivu, malgré les défis sécuritaires et logistiques ainsi que les restrictions de mouvements, nous maintenons notre présence et poursuivons la prise en charge des patients, y compris de ceux qui sontblessés. En trois semaines, près de 400 patients blessés ont déjà été pris en charge à hôpital général de référence de Minova, au centre hospitalier Numbi et à hôpital général de référence de Masisi. Nous continuons aussi de soutenir les personnes déplacées dans les zones plus reculées, comme dans le Lubero où nous travaillons à l'amélioration de l'accès à l'eau dans les structures de santé et dans le site de déplacés de Magasin.